Eloge funèbre de Monsieur Yves LEFEVRE

Eloge funèbre de Monsieur Yves LEFEVRE
Par Jean-Manuel COUSIN, Président de l’E.S Coutances
Cathédrale Notre-Dame de Coutances, le vendredi 18 décembre 2015
J’ai vu Yves LEFEVRE. Yves LEFEVRE s’en occupe. Yves t’en a-t-il parlé ? Tonton Yves doit voir ça avec toi… Voilà sans doute, depuis plusieurs décennies, les phrases les plus prononcées par des parents et par des générations entières de dirigeants et de joueurs de football à Coutances.
Un affectif ombrageux, un ultra sensible trop pudique pour le montrer, un excessif intransigeant et attendrissant, un angoissé totalement et pleinement dévoué à sa passion, un bénévole comme il n’en existe tout simplement plus.
Comprendre Yves, c’est le connaître parfaitement.
Comprendre Yves, c’est tout prendre de l’homme : ses ombres, ses lumières, ses sourires, ses doutes, ses peurs irrationnelles, ses petites attentions aux autres, son inimitable voix rocailleuse qui tonne… bref, tout ce qui fait le personnage, tout ce qui fait UN personnage.
Un personnage singulier dont le cœur aura été trop sollicité à force de trop aimer.
Aimer les autres. Aimer les autres et son club jusqu’à l’excès.
Le Parc des Sports était son jardin. Le Club house, sa maison. L’Entente Sportive Coutançaise, son épouse et les milliers de licenciés qu’il aura vu défiler auront été les enfants que la vie ne lui aura pas donné.
C’est ça Yves LEFEVRE. Une existence toute entière vouée à une seule et unique cause, une seule et unique entité. Oui, Yves n’aura eu qu’un grand amour, son club de football.
Un amour presque déraisonnable, un amour qui, comme tous les grands amours, laisse peu de place à la raison.
Yves était mon vice président. Yves était le responsable de l’Ecole de football. Yves était soigneur, mais aussi l’intendant, le secrétaire, le gardien du club house, l’homme des règlements, la bible du football régional, l’organisateur de la fête de l’école de foot, un homme qui aura tout fait pour ce grand amour.
Un amour qu’il n’aura jamais délaissé, un amour qu’il protégeait, un amour qu’il voulait rendre toujours plus beau.
Pour cet amour, il voulait la perfection.
Que dire de ce cérémonial du dimanche matin… la préparation du vestiaire de l’équipe première !
Un moment unique qu’il faut avoir vécu pour le saisir, un instant solennel.
Chaque mouvement, chaque geste ressemblait à une caresse de l’amoureux à sa promise.
Les joueurs toujours assis au même endroit, leur nom toujours inscrit au-dessus de leur équipement, comme un père qui met chacun de ses enfants dans les meilleures conditions pour réussir.
Sur le banc de touche, le cérémonial se poursuit.
La trousse à pharmacie et la clé du vestiaire à ses pieds, chacun est assis à la même place, et c’est immuable.
Et tant pis pour le nouveau joueur à qui personne ne l’a expliqué et qui involontairement vient contrarier le cérémonial. Bon ou pas bon sur le terrain, la voix tonne. Il se fait rabrouer. Hors de question qu’un enfant ne vienne prendre la place du père. Le banc de touche, c’est sacré… comme les places à la table familiale du dimanche midi !
Le match est gagné, Yves a la bonne humeur accrochée à son visage. Il est heureux, heureux de voir que son couple est une équipe construite sur de bonnes bases. Le bonheur, c’est simple comme une victoire !
Si, au contraire, l’E.S. Coutances enchaîne les contre-performances, c’est Yves qui est défait.
Il ne dort plus, ne mange plus, il doute, il pense qu’il n’est pas assez attentionné, que son grand amour le délaisse, lui tourne le dos, qu’il est éconduit. La douleur est presque insoutenable, l’anxiété à son paroxysme.
Alors, il faut le réconforter, le rassurer, lui dire que son grand amour est solide, qu’il est à l’âge de la maturité mais que dans une vie, il y a des bons et des mauvais moments.
Alors, le caractère bougon s’adoucissait et c’était l’heure de la nostalgie ou des confidences.
Aimer. Aimer ce club jusqu’à la déraison, l’aimer bien plus que tu ne t’aimais toi-même, aimer si fort que le cœur n’aura pas résisté aux émotions infligées.
Tu t’en es allé au lendemain d’une victoire.
Seule la mort pouvait t’arracher à ton grand amour.
Un grand amour qui te doit, avec respect, des dizaines de pages de son histoire.
Un grand amour qui va devoir apprendre à vivre sans toi.
Tu laisses derrière toi tes centaines d’enfants dont les larmes, depuis mardi matin, coulent sur leurs joues rouges et blanches.
Rassure-toi très cher Yves, toi qui dois déjà éplucher les règlements de ta nouvelle vie, tes collègues du service des sports entretiendront ton jardin, ta maison portera ton nom, ton grand amour et tes enfants t’offriront encore et encore de grandes victoires que tu pourras regarder sur le grand écran céleste.
Et comme tu me le disais toujours lorsque nous nous quittions : BISOUS !